Afin de diffuser un point de Grec aux évènements de Grèce, je relaye un Texte et des liens envoyés par Yannis Youlountas depuis Athènes (Yannis est membre de l’assemblée de réoccupation de lEcole Polytechnique et tourne également, caméra au poing, au coeur des événements, avec l’appui des insurgés). J’ai reçu ce mail par mon ami Philippe Derudder (http://aises-fr.org/) ATHÈNES SUR UN VOLCAN Six ans après le mois de décembre 2008, latmosphère est à nouveau insurrectionnelle à Athènes et ailleurs en Grèce. Tous les ingrédients sont réunis pour faire du mois de décembre 2014, peut-être, un grand moment historique. Jusquà quel point et à quelles conditions ? Depuis la fin du mois de novembre, les manifestations, émeutes, actions ciblées et occupations se multiplient un peu partout en Grèce (dans le silence total des medias européens, plus que jamais des merdias à boycotter ou à bloquer et occuper). La cause principale est la situation du jeune prisonnier anarchiste de 21 ans, Nikos Romanos, qui est devenuun symbole de toutes les violences actuellement subies par la population, mais aussi du profond désir de lutter, quelle que soit la forme, et de refuser la torpeur et la résignation. Nikos, lami dAlexis Grigoropoulos, symbole des émeutes de 2008 Nikos est lami denfance dAlexis Grigoropoulos, assassiné à lâge de 15 ans par un policier dans le quartier dExarcheia à Athènes. Un quartier réputé pour ses révoltes historiques et ses nombreuses initiatives autogestionnaires et solidaires. Un quartier dans lequel la liberté, légalité et la fraternité ne sont pas des motsjetés à labandon au frontispice de monuments publics glacés de marbre. Nikos a vu son ami mourir dans ses bras le soir du 6 décembre 2008. Profondément révolté, il sest par la suite engagé dans lanarchisme révolutionnaire et a dévalisé une banque pour financer son groupe qualifié de terroriste par le pouvoir. Après avoir été torturé, notamment au visage, lors de son arrestation, il a finalement réussi à obtenir son bac en prison, mais se voit aujourd’hui refuser la possibilité de poursuivre ses études. Cest pourquoi, depuis le 10 novembre dernier, Nikos est en grève de la faim. Son état sest progressivement dégradé, notamment au niveau cardiaque, malgré ses 21 ans, et il a été transféré sous haute surveillance à lhôpital Gennimatas dAthènes devant lequel manifestent régulièrement des milliers de personnes qui parviennent parfois à dialoguer avec lui à travers les grilles de sa fenêtre (voir la première photo de l’article connexe, dans la même rubrique). En solidarité avec Nikos, un autre prisonnier politique, Yannis Michailidis, sest mis en grève de la faim le 17 novembre au Pirée, suivi par deux autres, Andreas Dimitris Bourzoukos et Dimitris Politis, depuis le 1er décembre. Le gouvernement grec vient de confirmer son refus de permettre à Nikos de poursuivre ses études et préfère le laisser mourir, non sans faire preuve dironie. Des petites phrases assassines et provocatrices qui ne font quaugmenter la colère populaire et les nombreuses protestations des organisations anarchistes et anti-autoritaires jusquà celles de SYRIZA, principal parti de la gauche critique, qui est annoncé vainqueur des prochains élections en Grèce. Bref, le contexte politique est particulièrement tendu, à tous points de vue. LEcole Polytechnique, symbole de la chute de la dictature des Colonels Dans cette ambiance de fin de règne, parmi dautres initiatives solidaires, lEcole Polytechnique est à nouveau occupée depuis le premier décembre, 41 ans après avoir défié avec succès la Dictature des Colonels en novembre 1973, au cours dune occupation similaire pour défendre une radio libre qui sopposait au régime autoritaire. Les CRS suréquipés viennent déchouer par deux fois dans leurs tentatives de nous déloger, notamment le 2 décembre au soir, à la fin dune manifestation fleuve qui sest terminé avec plusieurs banques dégradées ou brûlées. Parmi dautres obstacles de circonstance, un bus a même été transformé en barricade incandescente sur lavenue Stournari, à Exarcheia (voir les photos dans larticle connexe), et les affrontements ont duré une bonne partie de la nuit. Douze insurgés arrêtés ont été violemment frappés, au point que trois dentre eux souffrent de fractures du crâne. Loccupation de lEcole Polytechnique na pas cédé, malgré le deversement de quantités énormes de gaz lacrymogène depuis lextérieur, tel du napalm sur toute la zone devenue une zone à défendre. Une ZAD jumelée, ces dernières heures, avec dautres ZAD dans le monde, notamment celles de NDDL et du Testet en France qui ont rapidement transmis leur soutien fraternel,ainsi que de nombreuses personnes et organisations de France et dailleurs (soutiens que jai tous affichés sur lun de nos murs et annoncés en assemblée à tous les compagnons et camarades). Ce soir-là, alors que la distribution solidaire de sérum, de mallox et de citrons battait son plein, jai remarqué plus de filles que jamais parmi les insurgés (voir la photo de « lautre statue de la liberté » dans larticle connexe) et une diversité à tous les niveaux qui augure dune ampleur et dune radicalité sans précédent.Jai vu et ressenti une détermination et une fraternité rarement rencontrées jusquici, dans mes voyages en Grèce et ailleurs, là où lhumanité ne se résoud pas à vivre à genoux et tente, diversement, de se lever. Jai vu la vie sorganiser autrement dès le lendemain et la chaleur des barricades se transformer en chaleur des curs parmi les occupants de lEcole Polytechnique et dailleurs. Rien nest fini, tout commence ! Car durant ces dernières heures, les lieux doccupations se sont multipliés, rappelant le processus de décembre 2008 qui avait amené la Grèce à connaître les émeutes sans doute les plus puissantes en Europe depuis plusieurs dizaines dannées (sans toutefois parvenir à renverser un pouvoir qui sétait finalement maintenu de justesse, notamment en distillant la peur et la désinformation dans les médias). Des occupations de bâtiments publics et de groupes financiers, de chaînes de télévision et de radios, duniversités et de mairies, depuis Thessalonique jusquà Héraklion. Des occupations toujours plus nombreuses, ainsi commentées par Yannis Michailidis dans son dernier communiqué de gréviste de la faim, très relayé sur Internet : « cest ce qui brise la solitude de ma cellule et me fait sourire, parce que la nuit de mardi [2 décembre], je nétais pas prisonnier, jétais parmi vous et je sentais la chaleur des barricades brûlantes ». Avant de conclure avec une phrase rappelant le titre du dernier livre de Raoul Vaneigem : « Rien nest fini, tout commence ! » Une émotion immense Parmi les événements qui mont également marqué ces jours-ci, certaines assemblées de collectifs ont montré à quel point la tension est à son comble. Notamment celle de loccupation de lEcole Polytechnique dans la soirée puis toute la nuit du 3 au 4 décembre. Une assemblée qui a duré plus de 9 heures, jusquà 5h30 du matin. Certes, quelques divergences ont justifié cette durée jusquau consensus finalement trouvé au petit matin et je ne rentrerai évidemment pas dans les détails de ce qui sest dit, notamment pour ce qui est des projets en cours. Mais je peux témoigner dune atmosphère électrique ponctuée de longs silences qui en disent long. Je peux vous dire également que le grand amphi de lEcole Polytechnique était, une fois de plus, plein à craquer, avec des compagnons et des camarades debout et assis un peu partout, devant des murs fraichement repeints de graffitis. Je peux vous dire que la présence du papa de Nikos Romanos, assis au milieu de la salle, avec sa chevelure longue et grise et son regard profond et digne, ne pouvait que contribuer à une émotion déjà immense, alors que son fils se rapproche chaque jour dune mort certaine. « Agir comme si notre propre vie était en jeu » Le stress et la nervosité, la gravité du moment, limportance des enjeux, faisaient fumer presque tout le monde beaucoup plus quà lhabitude, au point que jen étais presque à regretter lirritationcausée par les gazs lacrymogènes dans les rues alentours. Parmi les paroles qui ont résoné : « ce nest plus lheure de mettre la pression, mais de rentrer en insurrection » ou encore des appels à «agir comme si notre propre vie était en jeu, car en vérité, cest bien le cas pour nous tous qui vivons comme damnés, comme des esclaves, comme des lâches » ; « il faut retrouver pleinement confiance ennous-mêmes pour parvenir à redonner partout confiance aux gens et, en particulier, pour rassembler les laissés pour compte qui devraient être les premiers à descendre dans la rue, au lieu dattendre que la libération vienne du ciel ». Jai aussi parfois entendu des paroles jusquau boutistes que je ne préciserai pas ici, mais qui témoignent bien du ras-le-bol immense qui traverse une grande partie de la population et la conduit à tout envisager pour se libérer des tyrans du XXIème siècle. Des tags à la mémoire de Rémi Fraisse Jai vu un ancien de 1973 avoir les larmes aux yeux et songer que nous vivons peut-être un autre moment historique. Jai lu dinnombrablestags en soutien à la grève de la faim de Nikos Romanos, mais aussi àla mémoire de Rémi Fraisse, tué par le bras armé du pouvoir sur la ZAD du Testet. Cette nuit encore, à la veille du 6 décembre très attendu, avec une grande inquiétude par les uns et avec un profond désir par les autres, le quartier dExarcheia est encerclé par les camions de CRS (MAT) et les voltigeurs (Delta, Dias). Plusieurs rues sont barrées. On ne peut entrer et sortir dExarcheia que par certaines avenues, plutôt larges et très surveillées. La situation prend des allures de guerre civile et rappelle certaines régions du monde. A lintérieur du quartier, comme dans beaucoup dautres coins dAthènes, la musique résonne dans le soir qui tombe : du rock, du punk, du rap, du reggae, des vieux chants de lutte. Dans lEcole Polytechnique, on a même installé deux immenses enceintes du côté de l’avenue Patission et on balance ces musiques pour le plus grand bonheur des passants qui nous soutiennent et lèvent parfois le poing ou le V de la victoire tant désirée. Dautres baissent la tête et ne veulent pas y croire, ne veulent pas voir, ne veulent pas savoir, murés dans la prison dune existence absurde et pauvre à mourir d’ennui, si ce n’est de faim. Le spectacle dun monde à réinventer Ici, ça dépave, ça débat, ça écrit sur les murs et sur les corps, ça chante, ça s’organise. La fête a déjà commencé ! Certes, elle est encore modeste et incertaine, mais une nouvelle page de lhistoire des luttes est peut-être en train de sécrire à Athènes et au-delà. Une nouvelle page qui ne pourra sécrire quen sortant de chez soi, par-delà les écrans, les « jaime » des réseaux sociaux et le spectacle dun monde tout entier à réinventer. Une nouvelle page qui ne pourra sécrire quensemble, en se débarrassant de la peur, du pessimisme et de la résignation. Rester assis, c’est se mettre à genoux. Yannis Youlountas membre de l’assemblée d’occupation de l’Ecole Polytechnique à Athènes Nhésitez pas à faire circuler. Merci de votre soutien. http://r.yannisyoulountas.net/425hoqn3dkcz3d.html (texte) http://r.yannisyoulountas.net/425hoqn3kocz3d.html (photos) Cet email a été envoyé à md.rhea@free.fr parce que vous avez été inscrit par Yannis ou un ami commun (peut-être après un ouzo) sursa liste d’info (peu fréquente, il sait à peine écrire). [Pour ne plus recevoir cette (rare) lettre dinfo et retourner à l’uniformité des mass-médias sur la situation réelle en Grèce, cliquez ici.](http://r.yannisyoulountas.net/10jdf6nrscz3g.html)
Ne rien dire c’est consentir….Quitte à mourir autant mourir dans la dignité, en harmonie avec notre Moi Divin..
Bravo pour toute votre ténacité et bon courage pour la récupération des droits auxquels chaque être humain aspire: liberté d’être, liberté de pensée, liberté d’action …. guidées par l’amour pour nos semblables…